Projet

Une expérience au service des jeunes
et de la collectivité

Nous ne nous situons pas seulement comme des professionnels mais aussi comme des militants. Si nous pensons que le travail technique peut apporter “traitements et remèdes”, il ne nous semble pas suffisant pour permettre à chacun des jeunes en difficultés de trouver leur place dans la société. La promotion individuelle trouve sa véritable dimension dans la promotion collective. L’éducation doit sans cesse appeler l’individu à la responsabilité, à l’usage de la liberté, au choix. La construction du devenir mérite l’attention de tous. Lorsque nous avons mis en place les foyers autonomes, les familles d’accueil, les ateliers pédagogiques, lorsque nous avons privilégié les transferts, organisé les Rencontres de Vertault, ce n’est pas sans intentions institutionnelles. Lorsque nous privilégions le mixage des histoires, des chemins, des difficultés des jeunes accueillis, cela n’est pas dépourvu de sens pour nous. Si l’histoire du jeune est bien sûr importante, le « passage à l’acte » qui ne doit pas être banalisé, ne peut être considéré comme indicatif d’une orientation. Même s’il implique des prises en charge spécifiques. Lorsque nous pensons que dans les foyers scolaires, le fonctionnement en groupe d’âges verticaux est un apport au développement solidaire, nous ne choisissons pas forcément la facilité. Si, de tous temps, nous avons toujours considéré que l’accueil en urgence était une de nos missions, c’est bien parce qu’elle impliquait, – pour autant que nous y mettions écoute, attention et projet -, un acte de solidarité. Si nous ne montrons aucune réticence à accueillir les jeunes isolés et à mettre en place pour eux et avec eux des projets de devenir, c’est bien parce que nous pensons que tout mineur sur le territoire doit être protégé, accompagné et respecté. Nous nous sommes inspirés du travail très intéressant mené par l’ASE de Seine Saint-Denis “Dossier Technique – Mineurs isolés et Aide Sociale à l’Enfance”. A notre niveau, à notre modeste échelon, à notre place, nous nous référons à la Convention Internationale des Droits de l’Enfant. Il convient donc, afin d’éclairer notre projet de rappeler quelques points des intentions institutionnelles qui fixent une orientation commune à toute les structures.
Une idée force : “LE VIVRE AVEC”
Mis en œuvre par des hommes et des femmes qui ne se prennent pas pour des techniciens ou des thérapeutes, mais pour des éducateurs partageant le quotidien et construisant avec. Les structures ne sont ni des lieux de réponse en terme d’hébergement ou de lieu de soins, mais plus sereinement, des lieux où la vie existe, permettant partage, richesse et confrontation avec la réalité. Il nous faut pour cela des qualités de contact, d’écoute, de respect du jeune. Il faut avoir le souci de la clarté, de la rigueur, du sens de l’organisation. Il nous faut avant tout être capable d’accueillir, de respecter le jeune qui arrive, de l’accepter tel qu’il est avec sa problématique et ses difficultés, quelles qu’elles soient. Tout cela est sous tendu par une certaine vision de l’homme en devenir. Nous souhaitons qu’il devienne libre, capable de faire ses choix, d’être solidaire des autres. Cela suppose bien sûr que soit traitée l’angoisse, que le foyer donne au jeune le droit d’être bien dans sa peau, d’être en position de projet, de réussite et qu’il pose un nouveau regard positif sur lui-même.

Les repères institutionnels

 

La place de la famille
Le placement, nous préférons dire l’accueil de l’enfant ou de l’adolescent, ne doit surtout pas être l’occasion de rupture avec la famille. Celle-ci, en effet, doit dès la première rencontre avec l’établissement, si cela est possible, connaître le lieu où il vit et rencontrer les responsables. Même dans les situations les plus dégradées, la prise en charge du jeune doit être généralement occasion de restauration des liens, de re-situation de la place de chacun, de relecture des difficultés permettant un regard nouveau. Ainsi, l’établissement aura pour mission – chaque fois que possible – de favoriser le retour des jeunes en famille, de façon fréquente ou espacée, au moment des week-ends (parfois seulement au repas du dimanche midi) ou des vacances. Nous informons les parents des résultats scolaires, des problèmes de santé, de certaines difficultés rencontrées, mais aussi et surtout des progrès et des réussites. Cela même et surtout, lorsque le jeune a été “oublié” par ses parents depuis plusieurs années… Certes, dans un certain nombre de cas, notre objectif ne saurait être le retour rapide, définitif du jeune chez lui, mais le rééquilibrage des relations parents-enfant. La responsabilisation des parents, la restauration de leur responsabilité, n’en seront que plus effective si la prise en charge éducative est travaillée avec eux, dédramatisée, acceptée comme une réponse à une problématique et non comme une sanction culpabilisante. La pratique nous a permis de constater que trop de nos jeunes avaient été marqués – voire victimes – de multiples placements, accueils en urgence, placement familial, retour en famille suivi de nouveaux placements. Dédramatiser le placement, lui donner un sens, voilà bien une idée qui doit tous nous interpeller. Pour ce faire, il apparaît primordial et urgent de renforcer la transversalité et le partenariat à tous les niveaux et cela dans le respect de la mission et du rôle de chacun,
Le souci premier de la scolarité ou de la formation professionnelle
Mettre en place des soutiens actifs, ciblés, valorisants fait partie de notre mission. L’approche de la scolarité, la formation professionnelle sont des points essentiels de la prise en charge des jeunes. Ils sont déterminants pour leur devenir, mais aussi pour la manière dont ils vont aborder l’instant, le présent. Ainsi, pour tous ceux qui ne peuvent se situer dans des réponses habituelles (jeunes ne maîtrisant pas la langue, jeunes ne pouvant s’intégrer à la scolarité traditionnelle, jeunes sans papiers …), nous avons mis en place un atelier scolaire, un atelier pédagogique cuisine, des stages conventionnels en entreprises. Accompagner le jeune, lui permettre d’avoir des projets, de les réussir, suppose beaucoup d’investissement de la part des adultes, mais aussi des exigences tant pour les jeunes que pour ceux qui les prennent en charge. Plus les professionnels seront motivés, auront le souci de la réussite du jeune, plus le jeune se motivera. Mais pour les plus “paumés”, les plus en échec, ceux qui cumulent handicap et mal-être, cela demandera beaucoup de temps, de ténacité. Il nous faudra accepter parfois les mi-temps, afin que ne soit pas remise en question la dynamique des foyers, qui sont des outils aussi de la promotion collective moteur de la progression individuelle. Si le droit à la différence doit être préservé, il ne doit pas être le prétexte de brèches ouvertes, mais le respect de telle ou telle situation.
La place de la parole et de la loi
La parole dans un cadre non structurant s’envolera sans laisser de trace. Elle ne construira pas. Si un règlement intérieur doit exister, s’imposant à toutes les structures, il ne peut s’agir d’un règlement affiché s’imposant à tous de la même manière. Mais la loi existe et est bien présente, bien vivante. Elle indique ce qui peut se faire, mais marque aussi l’interdit. Le passage à l’interdit doit toujours trouver réponse et ne jamais être banalisé. La parole, la réflexion, parfois la sanction sont indispensables. Etre capable d’écouter, de se faire écouter, demande un effort important à tous, jeunes comme adultes. Trop souvent, en effet, les adultes imposent l’écoute mais ne sont pas eux-mêmes écoutants, ne respectant pas ainsi le jeune qui se trouve face à eux. Ils énoncent la règle mais ne l’explicitent pas.
Cette place laissée à la parole – ne pensons surtout pas à des entretiens longs et lourds, mais à une attitude au quotidien – évite le plus souvent le passage à l’acte interdit, à la violence…
Les loisirs : véritables temps de travail éducatif
Les loisirs sont de véritables temps du travail éducatif. Certains diraient thérapeutiques… Il faut donner le sens du partage, de la découverte réciproque et de l’effort. Nous faisons le choix d’échapper à la consommation facile, au cinéma et au bowling car nos jeunes n’ont pas besoin de nous pour cela. Nos efforts portent donc vers les camps, les chantiers, le sport, le café-théâtre, la découverte du cirque… Il semble plus intéressant de leur faire découvrir la musique qu’ils ne connaissent pas, de les accompagner au musée, à des fêtes ou partager un repas de cuisine traditionnelle que d’aller au Mac Do une fois par semaine.
L’importance du cadre de vie
L’importance du cadre de vie des jeunes nous apparaît majeure. Il doit être respectant et respecté par tous, jeunes et adultes. Nos maisons d’enfants sont toutes implantées dans des pavillons traditionnels et situées dans des quartiers pavillonnaires. Pas de plaque à l’entrée, pas de marque extérieure. Le souci d’une intégration dans le quartier suppose la prise en compte et le respect du voisin, sa connaissance. Dire « bonjour » au voisin n’est pas toujours facile pour les jeunes et pourtant… Un cadre de vie, c’est avant tout la maison qu’habitent les jeunes.
La recherche d’un cadre de qualité est toujours une priorité. Nous sommes attentifs au choix des matériaux, à leur beauté, à l’entretien de nos maisons. On n’y voit pas de dégradations et les jeunes éprouvent une certaine fierté à montrer leur foyer, à y amener copains et copines, à le faire visiter, à recevoir. Notre recherche de sérénité et de calme, soutenue par le cadre de vie, participe à la dédramatisation de leur situation et leur renvoie une image positive de ce qu’ils vivent.