LE TRIO DE LA MUERTE : HEUREUX ET MEME PAS MORTS !

Il s’imposait à notre entendement qu’il n’existait pas de risque vital à soutenir le trio de la MUERTE. Nos hôtes mécènes, Stella et François, procédant de la même certitude, n’avaient d’ailleurs prévu pour seuls moyens de réanimation que ceux d’une généreuse sustentation et d’une hydratation salvatrice. Quant au soutien psychologique, quel meilleur soin que le plaisir, distillé au tir nourri des instruments prétendument assassins de Gérard VANDERBROUCQUE, Erwan MELLEC et Rémy HERVO : le commando !
Même pas morts, donc. Mais heureux.
Heureux, oui, car ces deux soirées des 25 et 26 avril nous ont permis de découvrir trois musiciens de grand talent auxquels l’on doit en outre bien des réconciliations.
Certains d’entre nous, nous le savons, sont venus d’abord en mécènes (qu’ils en soient remerciés) plus qu’en amateurs, préférant au jazz le théâtre, le chant, la danse ou encore les arts plastiques. Mais ils sont venus et nous ont dit leur joie d’avoir été des nôtres, se découvrant bien plus sensibles à la note bleue, à la tierce mineure ou à la septième majeure qu’ils ne le pensaient.
D’autres avaient pu s’imaginer que l’accordéon n’était pas le plus noble des instruments de musique et que, si ce n’était leur engagement, ils auraient dû fuir ses accords mélancoliques forcément porteurs de relents de bals populaires et de répertoires d’un autre temps ! Mais ils sont venus.
C’est au violon que d’autres auraient pu se refuser, croyant peut être que le virtuose ne saurait aller se corrompre avec un genre que les premiers luthiers n’auraient jamais pressenti et, oubliant que des GRAPPELLI ou des LOCKWOOD (et combien avec eux) avaient creusé le sillon, être dans le présupposé qu’il était invraisemblable que l’archet puisse faire ici bon ménage avec le piano à bretelles ! Mais ils sont venus.
Il est possible que la guitare ait bénéficié d’une présomption d’indulgence tant elle est depuis longtemps associée à tous les styles et qu’elle est indémodable. Mais il y a tellement de guitaristes !
Je ne crois pas me tromper en affirmant pourtant que, désormais, beaucoup entendront d’une autre oreille ces appareils trop souvent confinés à la caricature (injuste) du musette, du country ou du rock !
Quel étonnant et superbe assemblage que ces trois là : Gérard VANDERBROUCQUE au violon, Erwan MELLEC à l’accordéon et Rémy HERVO à la guitare ! Il fallait oser.
Pas de contrebasse ni de basse, pas de batterie, pas même une petite caisse claire. En résumé, pas d’instrument résolument rythmique. Mais des basses il y en avait plein l’accordéon, plein la guitare, et le rythme, le soutien rythmique, jusque dans le violon ! Au service les uns des autres et au service de leur musique (ils jouent, ainsi qu’ils se plaisent à le dire, en ajoutant le mode « alterne » aux modes mineurs et majeurs).
Leur musique, oui. Tous trois compositeurs aux personnalités déjà si affirmées (Rémy HERVO n’a que 18 ans), ils n’ont commis qu’une seule entorse à l’exclusive de leur répertoire pour nous proposer en bis leur interprétation du fameux Libertango d’Astor PIAZZOLLA, autorisant ainsi l’une d’entre nous à se joindre à eux.
Car elle est aussi là la magie de TOUS MECENES : dans la rencontre. Lorsque nous avons dit à nos trois musiciens que deux de nos amis étaient danseurs de tango, ou lorsqu’ils ont appris que nous compterions parmi nous une violoniste, ils les ont invités en une spontanéité rare et, sans répétition, ils ont offert leurs rythmes binaires aux pas entrelacés de Cathy SALVADOR et de Paul DELMAS, tout comme ils n’ont pas hésité à se transformer en quartet en accueillant Marie-Lucile ATHANE-BLIN.
Inspirations de tangos, de valses, de balades, et des écritures dans la plus grande tradition du jazz. Des arrangements superbes, précis, au service de mélodies d’une grande sensibilité invitant à une improvisation riche. Une heure trente pendant laquelle nul ne s’est évadé ailleurs que dans cette musique et dans la fascination captive des visages inspirés de ces trois musiciens, de leurs postures, de leurs gestes si techniques et de leur évidente générosité.
Mais il y avait encore autre chose. Il y avait un public d’écoute, un public de soutien, un public instantanément acquis. Un super public.
Le trio DE LA MUERTE ne s’y est pas trompé qui, de retour à NANTES, nous a adressé le message suivant :
« Nous avons tous les trois été très touchés par l’accueil que vous nous avez réservé. Nous avons pu nous exprimer dans les meilleures conditions possibles. Merci à tous les mécènes pour leur écoute, merci à Stella et François pour leur accueil bienveillant, merci à Marc d’avoir permis cette rencontre, merci à nos danseurs de Tango et à notre violoniste ».
Ces remerciements ne sont pas complaisants. Ils ne sont pas l’expression d’une politesse convenue mais celle d’une authentique reconnaissance à l’égard de notre action. Ces trois artistes, qui essaient de vivre décemment de leur art, nous disent de la sorte qu’il n’en va pas toujours ainsi pour eux tant il peut y avoir d’instants ingrats, de déceptions, d’états de galère, de doutes, de questionnements.
Plus qu’un encouragement, ces remerciements nous confirment que notre idée est magnifique en nous signifiant que nous avons raison de penser que le soutien aux arts par le seul concours matériel est insuffisant. Pour tout dire, il n’aurait pas de sens sans les émotions, l’intérêt à l’autre, l’envie. L’humain.
Le trio DE LA MUERTE « tue ». Il serait coupable de ne pas le dénoncer. Alors répétez-le ! Vous ne risquez rien.
SIDNE CRINCHABOU

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