ANNE & LIOR : SI ELLES CHANTENT, C’EST AUSSI POUR NOUS. TANT MIEUX !

Ce billet, en écho à nos deux soirées des 4 et 5 juillet derniers lors desquelles TOUS MECENES a apporté son soutien à Anne (KAEMPF) & Lior (SHOOV), ne peut pas être un article critique. Sauf à manquer d’honnêteté. Il est clairement un parti pris, enthousiaste.
Il en est ainsi de certaines situations, de certains états plutôt, où le plaisir prend une part si grande qu’il rend inaccessible le raisonnable. C’est donc sans garder cette raison que je veux évoquer Anne & Lior, c’est-à-dire en ne vous disant pas sciemment, par exemple, que les improvisations folles auxquelles se sont livrées ces deux jeunes femmes ont pu déstabiliser certains, présenter pour d’autres quelques approximatives liaisons, quelques lenteurs d’enchaînements dans un rythme pourtant effréné, ou encore placer le sentiment amoureux en telle posture, telle place, que cette exposition, comme une prise à témoin, pouvait être troublante.
J’ai tout pris. J’ai aimé en bloc. Inconsidérément. Une conjugaison : le plus-que parfait, le parfait et l’imparfait, à l’exclusion du conditionnel.
A tout dire je n’avais jamais rien vu, ni entendu de pareil. Je crois ne pas m’avancer trop en disant que ce fut le cas de tous.
Deux artistes dont la rencontre relève de l’improbable tant il a fallu de hasards pour les mettre en présence. Anne la parisienne et Lior, jeune voyageuse israélienne. Coïncidence causale ? Sûrement. Pas nécessairement logique, toutefois.
Il est en effet tentant de penser qu’elles étaient faites l’une pour l’autre et que leur créativité n’est qu’une sorte d’aboutissement évident, non d’une mise en commun de leurs talents, mais d’une véritable fusion de leur tout ! C’est un peu ce qu’elles donnent à voir. Ce n’est cependant pas forcément cela.
Leurs personnalités sont telles, leurs chemins, leur histoire, et leur origine, leurs aptitudes, que j’ai le sentiment que c’est plus de la confrontation de l’ensemble que se nourrit leur imagination, que se fondent leurs voix si contraires et s’accordent des instruments dont beaucoup nous mènent à revisiter l’insolite.
Ce que je veux dire est que je crois que l’une peut se passer artistiquement de l’autre, car chacune est pétrie de dispositions propres à l’expression de son inventivité, mais que leur duo procède bien plus que d’une addition, d’une opposition ou d’une fusion. Leur formule, magique ? Le bonheur de chanter, de jouer l’une pour l’autre.
Elles l’affirment elles-mêmes, élisant comme seul titre français de leur répertoire, en clôture de leur performance, une chanson phare de Marie LAFORET (ce qui démontre que les générations ne constituent pas une frontière) : « Toi, mon amour, mon ami… quand je chante c’est pour toi ».
Le texte de cette chanson nous en dit un peu plus encore : « …Je chante parfois, à d’autres que toi, un peu moins bien chaque fois… ».
Anne le répète lorsque, montant avec tant d’aisance en équilibre sur ses mains, portée par des bras et une souplesse de circassienne, offrant à Lior à travers nos regards sa silhouette irréprochable en image inversée, elle murmure la tête en bas, cachée par sa robe rabattue sur son visage : « Tu me vois encore ? C’est pour toi !».
Leurs yeux, leurs gestes, leurs sourires, leurs décisions scéniques l’avouent encore plus fort : « si nous chantons pour vous c’est parce que nous chantons pour nous ».
Alors ce n’est plus seulement la palette composée de leurs arts qui nous est proposée. La couleur à laquelle elles parviennent ainsi est nouvelle, originale, géniale. Elle a les teintes de l’unique : ce pigment essentiel et rare, ce ferment chromatique, c’est la force des sentiments. De leurs sentiments.
Alors les facéties de Lior, son sens inné du rythme et sa capacité à en trouver le prétexte en toutes choses, en tout endroit d’elle-même, pour en faire rebondir les résonnements là où le moindre espace fait écho, ravissent tout autant nos oreilles que nos yeux en nous laissant hallucinés !
Alors les virevoltes d’Anne, ses acrobaties accordéon en bretelles sans que sa main gauche cesse un instant son accompagnement dynamique de basses pour ne rien lâcher de l’énergie effarante mise en œuvre, ses facilités acquises au travail et à l’expérience de l’école du cirque, forment un pendant inattendu, fascinant et ravissant. Elle joue même en courant ! Elle jouerait presque encore en se jetant dans la piscine !
Alors la voix de l’une affronte, sans la combattre mais en la rejoignant, la voix de l’autre. Si différentes. Lior est dans le registre plutôt grave de l’alto, Anne dans celui de la soprano. Elles chantent vraiment bien, avec une harmonisation sobre où dominent le groove et le velours, l’éraillé parfois, sans se prendre au sérieux, se tournant souvent en dérision.
Elles sont émouvantes, mais aussi drôles, toniques, hardies, belles, gracieuses. J’ai envie d’ajouter charmantes, au sens oublié de ce qualificatif.
Ingénieuses, fantaisistes, provocantes, elles savent jouer du sac en plastique à quatre mains, du bouche à écho de bouche, du tube en verre, de la cloche, du soufflet d’accordéon… Mention particulière (qu’Anne me pardonne) à Lior pour sa maîtrise remarquable de la cuillère à soupe, du Kalimba, et pour son délicieux accent dont elle sait tirer un parti détonnant, innocence et sensualité s’y côtoyant à l’envie !
Je le disais, elles sont à mon sens séparables et promises, l’une et l’autre, à une vie artistique riche. Mais c’est ensemble qu’elles se transcendent aujourd’hui dans la fraicheur, la légèreté, la générosité, l’invention et la joie. Chacune ne chanterait pas de même pour une autre : parce que l’âme sur laquelle viennent se poser ces qualités intrinsèques (comme l’âme sur laquelle viennent s’entrelacer les fibres d’une corde) est faite de la matière précieuse que forme la combinaison de l’intensité et de l’émotion.
Nos mécènes peuvent être fiers et heureux d’avoir permis que cet événement ait lieu. L’aide à ces artistes est réelle, palpable, constructive. Un élan, un souffle. Anne & Lior ont su nous dire l’importance qu’il représentait pour elles et combien, amplifiant leur désir de continuer par la confiance gagnée, il leur avait ouvert de perspectives. Elles n’ont pas, non plus, omis de nous parler de l’accueil unique que leur a réservé Claudine PAGE, Stella BISSEUIL et François SOULA, inaltérables philanthropes sans lesquels…
Elles ont beaucoup insisté sur l’admiration qui fut la leur à l’expérience de TOUS MECENES. Il paraît qu’elles, non plus, n’avaient jamais rien vécu de semblable !
SIDNE CRINCHABOU

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