Ils ont tiré.

Amis,
Ils ont tiré.
Il serait stérile d’évoquer encore l’horreur.
« Tous Mécènes » est bâtie sur des convictions solidaires investies dans l’expression artistique, quelles qu’en soient les formes. L’art, gage de nos indépendances et de nos libertés. L’art, le symbole abîmé, lui aussi.
Ils ont tiré, nous plaçant dans l’incapacité d’imaginer cette horreur car notre imagination ne peut y atteindre. Nous savons qu’elle est, voilà tout.
Ils ont tiré, nous interdisant le compassionnel utile car nous ne pouvons pas, malgré l’empathie dont nous sommes envahis, que nous ressentons avec force, spontanéité et sincérité, être ces enfants, nos enfants, qui assistaient à un concert ce vendredi 13 novembre 2015, ces gens libres et paisibles, là ou ailleurs dans un stade ou une rue, pour qui la vie est devenue néant.
Ils ont tiré, nous laissant muets à l’évocation de ce que pourra désormais être l’existence de ceux qui ont survécu, atteints ou non physiquement ; il n’y a ni justice ni égalité en traumatismes, seulement des certitudes d’abimement.
Ils ont tiré. Ceux qui sont tombés n’étaient pas soldats de cette étrange guerre de l’invisible et de la démence. Leurs noms, pour le marbre qu’aucune montagne ne pourra jamais enfanter, aussi haute soit-elle : l’innocence décimée, innombrable depuis le premier des jours, ne se grave pas.
Ils ont tiré, nous écartelant entre le soulagement d’avoir été épargnés, dans nos vies, nos familles et ceux que nous connaissons, et une sourde, insupportable et dérangeante culpabilité de l’avoir été. La peine de ceux qui en débordent ne nous est perceptible que dans l’idée de l’immense, sans que cette immensité ne nous soit mesurable. Nos pensées d’altérité nous pèsent car nous ne savons ni quoi faire, ni quoi dire. Ni quoi faire pour eux, ni quoi leur dire.
Mais nous pouvons faire et dire pour tous. Nous le devons. Celui d’aujourd’hui n’a que dettes pour ceux qui l’ont précédé en lui confiant un modèle précieux même s’il ne sait plus le voir.
La peur latente, comme celle de ceux qui n’osent vivre par crainte de voir leur bonheur se briser, peut-être contrariée. Elle est à notre portée dans le combat de nos quotidiens. Ce combat est de notre responsabilité.
Menons-le en étant vivants. Sortons, emplissons les salles de spectacle, les théâtres, les expositions, les rues, les terrasses des cafés, les stades.
Davantage encore que ce que nous n’avons jamais fait. Aucun monde libre ne s’est jamais défendu aux abris, ni en délégant à d’autres la tâche d’en préserver l’intégrité.
Sidne Crinchabou.

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