Karine Derunes, pharmacienne professionnelle au sein du SDIS de Vannes s’est rendue sur les territoires insulaires morbihannais pour mener une campagne de vaccination contre la COVID-19. Elle nous livre une expérience inédite et enrichissante.
Son parcours
Après des études de pharmacie à Rennes, en 2003, Karine Derunes s’envole quelques mois vers la Guyane pour exercer en officine. De retour, elle se rend très vite compte qu’elle souhaite pratiquer son métier de pharmacienne différemment.
Au cours d’une formation de secouriste, durant son cursus universitaire, elle entend parler des pharmaciens officiant chez les sapeurs-pompiers. Elle se renseigne, puis une opportunité s’offre à elle à St Brieux, où elle devient pharmacienne de sapeurs-pompiers professionnels en charge de la gérance de la PUI (Pharmacie à Usage Intérieur).
Après 15 années passées à St Brieux, Karine Derunes souhaite donner un nouveau tournant à sa carrière, sans s’éloigner de ses origines bretonnes. Un départ en retraite laisse un poste vacant à Vannes, ce qui lui permet de rebondir. Elle s’installe dans le Morbihan en 2018 où les tâches sont nouvelles et multiples (création de locaux, organisation du congrès national des sapeurs-pompiers,…). Puis arrive 2020 et la pandémie qui met les SDIS à pied d’œuvre.
Une campagne de vaccination à destination des îles bretonnes
Pour éviter un long trajet aux iliens vers le continent, l’Agence Régionale de Santé de Bretagne et la Préfecture du Morbihan déploient une campagne de vaccination spécifique envers ces îles dépourvues de structures pharmaceutiques et offrant un service médical limité ; une action rendue possible grâce à l’investissement du service de santé de secours médical du SDIS 56. L’île d’Arz, située dans le golfe du Morbihan, fut la première, le 26 janvier dernier, à recevoir la visite de 4 pompiers du pôle santé du SDIS du Morbihan. Accompagnée d’un médecin et de deux infirmières, Karine Derunes monte à bord de la navette maritime pour rejoindre l’île afin d’assurer la 1ère injection aux personnes prioritaires.
La campagne de vaccination se poursuit sur l’île de Hoëdic en Dragon 56, l’hélicoptère, familier des sapeurs-pompiers qui ont l’habitude de travailler avec lui en été. L’unité rejoint enfin, l’île d’Houat, au large de Quiberon, où elle est alors acheminée par voie maritime grâce à la collaboration du service de sauvetage en mer ; ce jour là, les aléas météorologiques bloquent au sol l’hélicoptère de la sécurité civile.
La place du pharmacien dans l’organisation de cette mission
Un travail en amont
« Le pharmacien est très étroitement associé au médecin-chef sur la partie dimensionnement de ces missions », nous confie Karine Derunes. Tandis que le médecin est plutôt dans l’organisation stratégique de toutes les missions en lien avec la préfecture et l’ARS, le rôle du pharmacien réside plutôt dans l’organisation pratique des choses. En amont, il prépare l’ensemble du matériel nécessaire, les dispositifs médicaux, le matériel d’hygiène, anticipe la collecte de déchets infectieux, teste le matériel afin d’acheminer les vaccins dans des conditions optimales.
Le jour « J »
Après avoir reçu les doses vaccinales congelées, le centre hospitalier de Vannes assure la décongélation et approvisionne les antennes du département dont fait partie le SDIS 56.
« Il s’agit d’observer la plus grande attention à cette denrée rare lors du transport, nous avons à charge de la conserver à température réfrigérée entre 2 et 8 degrés, il faut être attentif sur la durée de la mission », précise Karine Derunes. Le transport s’effectue en pochettes isothermes munies de pains de glace, et équipées de traceurs permettant d’assurer la température adéquate au cours du trajet.
A son arrivée, sur place, l’équipe vérifie la conformité des installations pour accueillir le précieux produit. Ensuite le pharmacien se positionne en fil conducteur auprès des infirmiers.
En effet, la reconstitution du vaccin nécessite de respecter certaines étapes ; il partage quelques astuces pour optimiser le nombre de doses requises.
Tout est prêt pour accueillir les patients ! Pour les personnes qui ne peuvent se déplacer jusqu’au locaux mis à disposition, l’équipe médicale détache un binôme qui se rend à domicile
.
Une véritable expérience humaine au delà de la campagne de vaccination
Préparer un dispositif sanitaire en urgence fait partie de l’ADN des sapeurs pompiers ;
« c’est notre cœur de métier », comme le dit Karine Derunes.
L’objectif ici était de monter un centre de vaccination éphémère, créer une brigade mobile composée de médecins, d’infirmiers, de pharmaciens, de secouristes (lorsque cela était nécessaire), ainsi qu’une assistance administrative afin d’assurer la mission le plus rapidement possible sur les différentes îles.« Habituellement le pharmacien est plutôt en base arrière, nous ne sommes pas forcément sur les opérations ; mais là ce vaccin demandait vraiment notre présence, tant sur le conseil technique que sur la qualité et la sécurité globale de l’utilisation du médicament », ajoute Karine Derunes.
La collaboration et l’interaction des différents acteurs a donné à l’opération, une dimension encore plus humaine. « Nous avons tissé des liens privilégiés avec la pharmacie hospitalière de Vannes et c’est aussi important pour l’anticipation et pour la bonne fluidité de livraison des vaccins », précise Karine Derunes.
La mobilisation des maires des villes fut une aide précieuse : « nous leur avons soumis notre cahier des charges afin de préparer au mieux les locaux pour accueillir les centres de vaccination et ainsi permettre une prise en charge rapide à notre arrivée…. Nous découvrons, alors une autonomie et une certaine débrouillardise propre aux iliens, une organisation immédiate se met en place ». S’étonne Karine Derunes.
Quant à la population insulaire, elle leur a réservé le meilleur accueil :
« les gens sont venus au centre de vaccination avec le sourire, également contents de se voir après un isolement forcé dû aux mesures sanitaires. Et puis le geste de Geneviève qui a tenu à nous offrir une tarte aux pommes en guise de remerciement. Là, on se dit qu’on a fait quelque chose d’important pour eux ; ça apporte ce petit plus qui donne envie d’en faire plus », conclut Karine Derunes.
Texte : Anne LEBLON, journaliste pour ALPHASIS (annegauthier.leblon@free.fr)
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