La lettre n°65Vie de l'association

Intervention de Madame Sylvie Croquin

Nous sommes en 1791. La France se dote de nouvelles institutions dont le fonctionnement est organisé dans la Constitution qui sera adoptée le 13 septembre 1791 et s’oriente vers un régime de monarchie constitutionnelle. Dans ce climat d’intense activité des constituants, l’assemblée va voter entre le 25 septembre et le 10 octobre 1791 le premier Code Criminel. Il est important de constater que le titre V est consacré à l’influence de l’âge des condamnés sur la nature et la durée des peines ; que les 4 premiers articles du titre sont en réalité consacrés aux mineurs et qu’il s’agit de la première fois. En effet le texte clarifie la détermination de la minorité pénale qui est fixée à 16 ans ainsi que la notion de discernement ; il offre la possibilité au juge de prononcer des peines atténuées. Dans son article 1er. il est prévu de poser la question suivante : « le coupable a-t-il commis le crime avec discernement ? » Si la réponse est non (article 2), le mineur est acquitté ; il peut aussi être remis à ses parents ou placé dans une maison de correction. Si la réponse est oui (article 3), la peine de mort est commuée en 20 ans de détention dans une maison de correction ; les autres peines peuvent également être atténuées. L’évolution du droit des mineurs ne cessera plus ; en 1814 on construit des prisons d’amendement ; en 1906 la majorité pénale est définitivement fixée à 18 ans. Le 12 juillet 1912, le principe de l’irresponsabilité pénale du mineur de 13 ans va être mis en place ; les mineurs de 13 à 18 ans seront jugés par une formation spéciale à l’origine du tribunal pour enfants ; des enquêtes sociales et familiales pourront être ordonnées ; des mesures de liberté surveillée pourront accompagner le mineur et l’aider jusqu’à sa majorité fixée à l’époque à 21 ans. L’ordonnance du 2 février 1945 constitue le fondement du droit applicable aux mineurs ; nous en connaissons tous les grands principes et, 70 ans après, demeure sa vocation à faire bénéficier le mineur de mesures essentiellement éducatives et destinées à l’ouvrir sur un vrai projet de vie ; cette orientation reste sa marque et sa profonde originalité à l’époque. Elle fait du juge des enfants le juge d’instruction, le juge de jugement, le juge du suivi éducatif ; il préside le tribunal pour enfants ; il devient pour le mineur et nous l’avons tous vécu sa quasi propriété ; il est « son » juge. L’ordonnance de 45 figure au Code pénal ; elle régit l’enfance dite délinquante et le traitement qui doit lui être réservé. L’ordonnance du 23 décembre 1958 régit l’enfance en danger sous tous les aspects qu’elle peut revêtir sachant qu’un même mineur peut souvent relever de deux situations : être délinquant et en danger et que le juge des enfants sera celui qui prendra les mesures éducatives et les mesures de protection. D’autres mesures sont annoncées face aux changements profonds qui se manifestent chez nos plus jeunes et qui légitimement préoccupent tous les professionnels. Les deux principes fondamentaux doivent toujours guider les décisions à prendre : mesures éducatives pour le mineur délinquant ; mesures de protection pour le mineur en danger. La Convention des droits de l’enfant du 20 novembre 1959 a fait de la recherche de l’intérêt supérieur de l’enfant une priorité absolue y compris dans les conflits familiaux parfois douloureux ou dans des instances civiles posant des questions d’éthique et de principe de société. A mon arrivée à Bobigny, le procureur de l’époque m’affectait au Parquet des Mineurs ; j’y suis restée plusieurs années, j’en ai assuré la direction. J’ai donc eu largement la possibilité d’estimer l’importance du rôle de ce Parquet qui était le premier de France tout en souffrant de difficultés liées au particularisme du département, à celles des familles et à nos propres insuffisances de moyens. C’est bien dans la difficulté que précisément se révèlent les talents, les dévouements, les engagements, la pugnacité ; j’ai alors fait la connaissance des Foyers Concorde et je n’ai jamais cessé d’expliquer, chaque fois que j’en avais l’occasion, l’apport de leur contribution, leur richesse dans l’aide à l’accueil des mineurs et à leur accompagnement. Les foyers Concorde savent mettre en œuvre la chaleur dans l’accueil de tous, le dialogue, les projets mais aussi les exigences et la fermeté. Les foyers Concorde, ce sont des équipes soudées et enthousiastes qui jamais ne renoncent à leurs objectifs ; ce sont des éducateurs avec leur personnalité riche d’une expérience et forts de leur engagement ; ce sont également les relations avec les communes et la recherche de vrais partenariats ; ce sont des personnalités qui ont marqué leur implantation ; ce sont des dirigeants qui poursuivent leur action, Mme Mazerat qui a repris avec succès une tâche difficile et tous les autres. Aujourd’hui, je me suis sentie honorée de pouvoir assurer la présidence de cette journée placée sous le signe de la convivialité et du partage. Il n’est pas possible, en ce début d’année, de ne pas avoir à l’esprit les terribles événements que la France a connus et qui, pour les premiers, avaient déjà marqué le début de l’année passée ; ils nous touchent d’autant plus que certains jeunes se trouvent irrésistiblement attirés par ce piège mortel d’adhésion à une idéologie mortifère. Je dois aussi avouer que rien n’arrive à me détacher dans l’immédiat de la justice ; présidence de commissions d’aide juridictionnelle à Nanterre et Bobigny ; CIVI (Commission d’Indemnisation des Victimes d’Infractions) à Bobigny ; présidence d’audience du tribunal des Affaires de Sécurité Sociale à Nanterre ; actions de formation à l’ENM Paris (Ecole Nationale de la Magistrature) des juges de proximité ; j’ai la chance d’aimer ce que je peux encore faire et de maintenir les liens avec tous les anciens et surtout ceux de Bobigny. C’est donc avec cette conclusion positive que je vous présente à tous des vœux de réussite, de santé, d’épanouissement et pour les foyers Concorde, une belle 47ème année de développement de leurs activités notamment dans la mise en place de nouveaux types d’accueil.