Les Journées du Patrimoine 2023

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C’est à Ligny-en-Barrois, siège social de l’association, qu’en ce weekend du 16 septembre 2023, l’Association Meuse Vergers Traditions apportait sa contribution aux journées du Patrimoine au travers d’un programme comprenant :

  • La présentation en salle Camille Joignon de l’histoire de la distillation.
    Le plus ancien alambic en terre cuite – retrouvé au sud de l’actuel Iran.
  • Les explications du fonctionnement de l’alambic (Dans la cour intérieure)
  • Une information sur les bonnes pratiques du bouilleur de cru.

Ces activités, principalement autour de l’alambic, avaient été rendues possibles suite aux avis favorables donnés par M. le Directeur des Douanes de Nancy et de M. le Directeur du Cabinet du Préfet de la Meuse autorisant le transfert provisoire d’un alambic dans l’espace St Charles à Ligny-en-Barrois ainsi que par le support organisationnel de Mme Causin Marie-Christine (Adjointe Culture et Patrimoine – Mairie de Ligny-en-Barrois).

De nombreux visiteurs :

Explications autour de l’alambic – Espace St Charles – Ligny-en-Barrois

Ce sont donc plus de 35 personnes qui, durant ce samedi, sont venues en petits groupes échanger, en quasi non-stop, sur les 3 sujets proposés marquant un intérêt à la fois pour l’histoire de la distillation, et de ses origines dont les traces remontent à plus de 3000 ans avant JC, mais aussi pour la compréhension du fonctionnement d’un alambic. Transformer un mou de fruit fermenté en cette forme d’élixir relève un peu de l’alchimie dont Aristote lui-même avait commencé à en théoriser les principes en effectuant des recherches empiriques pour les appuyer, et cela déjà 400 ans avant JC ! Mais bien faire fermenter le mou pour obtenir une eau de vie de qualité relève de la compétence du bouilleur de cru, et ce à partir de fruits de bonne qualité bien sûr !

Le droit à distiller :

Alambic JEANNOT – Arbois (Jura)

De nombreuses clarifications ont été données sur le ‘Droit à distiller’ que beaucoup confondent avec ‘les droits à distiller en franchise de taxes’ qui, nous le savons, ne sont plus transmissibles depuis de nombreuses années.  Il est à noter que l’alcool produit par les bouilleurs de cru ne représente que 0.3 % de l’alcool vendu chaque année en France, mais que quelle que soit sa qualité ‘gustative’, tout abus est dangereux pour la santé. De ce fait, les propos ont principalement été orientés autour du plaisir ou de la satisfaction de partager entre amis et de faire déguster l’eau de vie de sa propre production, ou tout du moins issue de ses propres fruits dans une constante recherche de la qualité.

Bouilleur de cru et bouilleur ambulant :

Bouilleur Ambulant années 1900

Confusion est souvent faite entre le ‘bouilleur de cru’ et’ bouilleur ambulant’ que certains appelaient jadis tout simplement le ‘Bouilleur’ et que : ‘ distillateur’ ou ‘distillateur professionnel’ conviendrait mieux d’être retenu comme qualificatif de ce prestataire assurant des services au profit de clients (1). Un bouilleur de cru est une personne habilitée à produire ses propres eaux-de-vie.  Les fruits que vous récoltez sur un terrain que vous avez le droit de cultiver, vous avez le droit de les distiller !

A la question souvent posée de : pourquoi dit-on ‘bouilleur de cru’ et pourquoi le mot ‘cru’ pour qualifier ce bouilleur (de cru) que potentiellement tout à chacun peut être ou devenir ? En fait l’étymologie de ‘cru’ est ‘croître’ (grandir), et dans croître il faut entendre : « grandir en développant de façon progressive des qualités intrinsèques par rapport à une échelle de valeur (explicitement exprimée ou non)». Les qualités intrinsèques dont il est question seraient, en fait, le taux d’alcool dans le mou, de son développement, et résultant de la transformation du sucre en alcool par l’effet des bactéries. Un bon bouilleur de cru et donc celui qui est capable d’optimiser ou de maximiser cette croissance, ce développement et cette transformation en alcool du sucre naturellement contenu dans les fruits.

A une prise de conscience quasi unanime de la richesse des vergers entourant nos villages et villes, mais laissés un peu à l’abandon par manque de connaissance, notre association répond en grande partie aux attentes de nos adhérents, se voulant aider les petits propriétaires de vergers familiaux ‘de la racine à l’élixir’.

 

5000 ans d’histoire sous le regard du Général Pierre Barrois !

Le croissant fertile au III ème millénaire avant JC.

La présentation de l’histoire de la distillation, prévue initialement en salle avec vidéo projecteur, s’est déroulée au final autour de l’alambic du fait d’une arrivée égrainée des visiteurs. Elle a permis notamment d’en rappeler les origines : ‘le Croissant Fertile’ 3500 ans avant JC, de sa lente migration vers le nord de l’Europe avec des applications initiales de désalinisation de l’eau de mer en Mésopotamie, en distillation des élixirs, des essences florales (en Égypte), puis en médecine avec l’alcool comme désinfectant et plus tardivement pour la fabrication des alcools de fruits qui ne connut un développement que vers le XIV -ème siècle.

Et c’est donc en ce samedi soir de septembre, à 18h00 passées, au-delà de l’horaire de fin initialement prévu, que les derniers visiteurs quittèrent l’espace St Charles sous le regard quelque peu amusé du Général Pierre Barrois (né à Ligny-en-Barrois en 1774 et décédé en 1860), ou tout du moins de sa statue de bronze, le figeant malgré lui dans son habit de comte de l’empire et général de la révolution.

Général Barrois (né à Ligny-en-Barrois en 1774 et décédé en 1860)
Statue du Général Barrois (1774-1860)

Contemporain de l’époque,  c’est en 1831, sous Louis-Philippe (1773 – 1850) Roi des Français de 1830 à 1848, que la Monarchie définit par la loi du 20 juillet 1831, la qualité de Bouilleurs considérés comme : « Bouilleurs de cru, les propriétaires d’arbres fruitiers qui distilleront les cerises, mirabelles, prunes, poires, pommes ainsi que les vignerons qui transforment vins et lie en alcool, ceux-ci devant provenir de leur récolte » : une définition toujours d’actualité presque 200 ans après la promulgation de cette loi et dont notre Général Barrois en fut le témoin.

Parmi les faits un peu historiques, et avant qu’officiellement la qualité de bouilleur de cru soit ainsi définie (en 1831), c’est par la loi du 31 mars 1803 que le privilège de bouilleur de cru prit naissance lorsque Napoléon accorda un privilège d’exonération de taxes pour la distillation de 10 litres d’alcool pur ou pour 20 litres d’alcool à 50° pour ses grognards. Ce privilège fut héréditaire jusqu’en 1960, où, pour tenter de limiter le fléau de l’alcoolisme dans les campagnes mais aussi sous la pression des lobbies de grands importateurs d’alcool fort ou producteurs français, le législateur en interdit la transmission entre générations.

Au final, les échanges nourris de cette journée d’automne, autour de l’alambic, où se sont égrainés 4000 ans d’histoire, dont les 2 derniers siècles ont façonné, au fil des décennies, à la fois le vocabulaire, les pratiques, les matériels et les procédés de la distillation, n’ont pas échappé au regard attentif ou plutôt aux oreilles de notre Général et de ce patrimoine qui se transmet et que l’on peut qualifier de culturel !

Le patrimoine culturel se définit comme l’ensemble des biens, matériels ou immatériels, ayant une importance artistique et/ou historique certaine, et qui appartiennent soit à une entité privée soit à une entité publique. Ainsi, l’intervention et la présence de l’Association Meuse Vergers Traditions à cet événement semblait tout à fait à propos et opportune dans le décorum de ces journées du patrimoine, restait à le confirmer ! Notre association se faisant ainsi le promoteur de ce patrimoine le plus ancré dans nos territoires ruraux qu’est la distillation des fruits de nos vergers, mais aussi comme ‘passeur de mémoire, de traditions, de savoir-faire’, c’est par le silence approbateur de notre Général que cette quasi inaudible confirmation fut donnée de la façon la plus remarquée !

Patrick MARTINET – Président de l’Association Meuse Vergers Traditions

(1) Le terme ‘distillateur professionnel’ est en fait généralement réservé pour une catégorie de distillateurs dont c’est le seul métier et dont l’activité est ‘plus industrielle ou régulière’. En effet, pour ces ‘réels’ distillateurs professionnels leur activité est moins sujette aux effets de saisonnalités. Ces professionnels se caractérisent par des volumes plus conséquents que ceux que connaissent les ‘bouilleurs ambulants’ de nos villages ou territoires ruraux. Pour ces derniers : les distillateurs ambulants,  la distillation, cette activité de prestation est plutôt considérée comme une activité annexe ou complémentaire à celle souvent, qui leur est principale, de vignerons ou d’agriculteurs.

 

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