Motivant ou frustrant ?
De la bonne utilisation des certifications dans nos enseignements
Andrea KATZENBERGER,
Responsable centre de langues NEOMA Business School – Campus de Rouen
Suite à la décision du Ministère de l’Enseignement Supérieur et de la Recherche de rendre une certification d’anglais obligatoire pour les étudiants inscrits en licence, on pouvait se poser la question quant à l’avenir des certifications en LV2 et plus particulièrement en allemand. En effet, les règles en vigueur dans nos écoles sont très différentes. Alors que les écoles d’ingénieurs recommandent voire exigent une certification au niveau B1, les écoles de management accordent en général peu d’importance à la certification en LV2, sauf pour les échanges académiques à l’international.
Le 29 janvier, le groupe des Germanistes de l’UPLEGESS s’est retrouvé en visioconférence pour échanger sur cette thématique. Une quinzaine de membres de notre association ainsi que des représentantes des réseaux partenaires, DAAD et ADEAF, ont répondu présent. Nous avons pu accueillir Sven Leyder, responsable des certifications à l’Institut Goethe de Paris, qui nous a éclairés en apportant son expertise.
Tout d’abord, il faut bien faire la distinction entre les tests (en allemand, par exemple Bright ou TestPro du GI) qui évaluent un niveau à un instant T et dont la validité est par conséquent limitée, et les certifications telles que les « Goethe Zertifikate » ou le CLES (Certificat de Compétences en Langues de l’Enseignement Supérieur) qui évaluent des compétences. « Montrer ce dont on est réellement capable » – slogan avec lequel l’Institut Goethe promeut ses certifications et qui résume bien l’objectif. Il ne s’agit pas de montrer ce que l’on sait (grammaire, vocabulaire, etc.) mais ce que l’on sait faire selon le référentiel de compétences du CECR. La standardisation des certificats Goethe permet de comparer les performances individuelles. D’après Sven Leyder, les certifications proposées par l’Institut Goethe se distinguent par leur reconnaissance mondiale, contrairement au CLES qui reste très franco-français, ou le DSD (Deutsches Sprachdiplom) qui a une portée franco-allemande. En plus, l’Institut Goethe défend avec ses certifications une certaine « Bildungsidee », une idée holistique et humaniste de l’apprentissage. Mettre l’accent sur les compétences plutôt que sur le savoir est plutôt nouveau pour nos étudiants qui sont, pour la majorité d’entre eux, issus des classes préparatoires où ils brillaient justement par leur savoir. Ceci explique en partie le taux d’échec assez élevé à la certification B2. En plus, certaines compétences « pratiques » (p. ex. écrire un mail formel ou professionnel) ne sont pas encore acquises en français et manquent très logiquement aussi en allemand.
Dans la discussion, nous étions d’accord qu’un travail sur les différentes compétences requises pour le certificat B1, B2 voire C1 pouvait s’intégrer facilement dans nos cours, et être bénéfique pour tous les étudiants indépendamment de leur niveau, p. ex. en termes de stratégies de lecture ou d’écoute. L’obtention du certificat n’est pas une fin en soi. Le bénéfice réside dans l’amélioration des compétences linguistiques dans la communication au quotidien. La préparation des certificats Goethe permet un enseignement différencié dans un groupe hétérogène. Grâce à leur forme modulaire, il est possible de passer les modules séparément et d’augmenter ainsi le taux de réussite. Enfin, le passage d’une certification s’inscrit souvent dans un projet – échange académique, double diplôme, stage – ce qui est aussi un facteur de motivation.
D’un autre côté, la frustration des étudiants peut venir d’une surestimation de leurs compétences puisqu’ils ont été évalués jusqu’ici par rapport à leur savoir. Certains sont aussi peu motivés par les sujets « terre à terre » proposés dans le cadre des certifications. Ils souhaiteraient travailler sur des sujets de réflexion. Il y a aussi d’autres freins comme par exemple le coût de l’examen. Même si le fait d’être centre d’examen (Prüfungslizenznehmer) de l’Institut Goethe permet de pratiquer des tarifs préférentiels, les étudiants doivent déjà supporter le coût des certifications d’anglais (environ 250 euros pour l’IELTS par exemple). L’organisation d’un certificat par une école mobilise aussi beaucoup de ressources (examinateurs, surveillants, …) et la tentation est grande d’opter pour un test corrigé numériquement, voire de déléguer toute l’organisation d’une certification à un prestataire privé (ETS Global, PrepMyFuture, etc.). Face à cette concurrence mais aussi sous l’influence de la pandémie, l’Institut Goethe se trouve en pleine digitalisation. Des examens en ligne ne sont cependant pas prévus.
En conclusion, après cette riche matinée, le groupe souhaitait approfondir le travail sur les compétences et l’enseignement différencié. L’idée a été retenue pour l’atelier lors du congrès de l’UPLEGESS ou notre prochaine Journée des Germanistes.